Rhénium (Re)

Aéronautique et spatial Médical Robotique
Le rhénium, un métal de transition blanc argenté a été le dernier élément naturel stable découvert (1925). C’est l’un des éléments les plus rares de l’écorce terrestre. Il est très réfractaire (métal ayant le deuxième point de fusion le plus élevé après le tungstène). En raison de ses propriétés, le rhénium est principalement utilisé dans les superalliages à base de nickel pour des usages à haute température, et comme catalyseur dans l’industrie chimique. Si le rhénium est parfois récupéré comme sous-produit des mines de cuivre (Pologne, Kazakhstan), il est surtout obtenu lors du traitement de la molybdénite (minéral porteur du molybdène), elle-même présente au sein des gisements de cuivre de type porphyre (Chili, Etats-Unis). Il n’y a donc pas de mine de rhénium, sa production est uniquement métallurgique.
Matrice de criticité
Criticité moyenne

Usages et consommation

Usages du rhénium en 2023

Consommation 2018
70 t
Source de données : USGS, 2024

 

Principaux usages du rhénium dans le monde en 2023

  • Superalliages à base nickel : amélioration de la résistance et du comportement mécanique des pièces fonctionnant à haute température, notamment dans les turbines utilisées pour la motorisation aéronautique et les turbines à gaz génératrices d’énergie. Le rhénium représente entre 1,5 % et 6 % en masse dans les superalliages.
  • Catalyseurs : le rhénium est associé au platine dans des catalyseurs utilisés principalement pour le raffinage du pétrole, afin d’augmenter l’indice d’octane des carburants, ainsi que pour la fabrication de composé BTX (benzène, toluène, xylène).
  • Autres : résistances de fours électriques, filaments de lampes à incandescence, certains thermocouples utilisés à haute température, anodes de tubes à rayon X utilisés pour la radiographie médicale.

 

Perspectives d’évolution de la consommation globale : baisse à court terme

  • La consommation de Re est largement conditionnée par la demande en superalliages de l’industrie aéronautique. Cette dernière ayant été fortement touchée par la crise de la COVID-19, une baisse de la consommation mondiale est à attendre à court terme. Une reprise peut-être espérée d’ici 3 à 4 ans, malgré une tendance à l’abaissement de la teneur en rhénium des superalliages monocristallins. La demande de l'aviation militaire devrait être un fort moteur de reprise de la croissance de la demande mondiale.

Production mondiale

Répartition de la production de rhénium en 2023

Production primaire totale 2023
56.4 t
Source de données : WMD, 2020

 

La substance est-elle est un sous-produit ? Oui

  • La totalité du rhénium est extrait comme sous-produit du molybdène, lui-même principalement sous- produit du cuivre, dans les gisements de porphyres cuprifères (Amérique du Nord et du Sud). Le rhénium est principalement extrait de la molybdénite (MoS2), minerai où la teneur en rhénium peut varier de 250 à 700 ppm. Le rhénium est aussi extrait dans certains gisements de cuivre sédimentaire (Kazakhstan, Russie, Pologne).

 

Production minière mondiale 2023

  • La production minière de rhénium a été de 56,4 t Re.

 

Principaux pays producteurs miniers en 2023

  • Les principaux pays producteurs en 2018 sont : Chili (53.2%), Etats-Unis (16.1%), Pologne (11.2%).
  • Concentration modérée : IHH = 0,33.

 

Production métallurgique mondiale de rhénium métal en 2018

  • Production primaire : Peu de données disponibles par pays. En 2018, les capacités mondiales de production métallurgique de rhénium étaient estimées à 45 tonnes.
  • Production secondaire : Entre 20 et 25 tonnes par an.
  • Répartition : Les principaux producteurs sont les sociétés Molymet (Chili), Freeport McMoRan (Etat-Unis), KGHM (Pologne), Molyb (Chili), LS Nikko Copper (Corée du Sud), Jiangxi Copper (Chine).

 

Taux de croissance annuel moyen (TCAM)

  • TCAM lissé sur 2 ans de la production minière entre 1978 et 2008 : + 6,50 %
  • TCAM lissé sur 2 ans de la production minière entre 2008 et 2014 : - 4,00 %
  • TCAM lissé sur 2 ans de la production minière entre 2014 et 2018 : + 5,77 %

Ressources et réserves

Répartition des réserves de rhénium en 2023

Réserves totales
2 314 t
Source de données : USGS, 2024

 

Réserves connues et évolution

  • 2 314 t Re, équivalent à 41 ans de production au rythme d’extraction de 2023.

 

Répartition géographique des réserves

  • Les réserves ne sont pas réparties équitablement sur tous les continents : le Chili concentre plus de la moitié des réserves en Re (53%), le reste des réserves se trouvant principalement aux Etats-Unis (16%), en Russie (13%) et au Kazakhstan (8%).
  • Concentration modérée : IHH = 0,37

 

Perspectives d’évolution de la production : faible croissance

  • La production mondiale de rhénium est fortement corrélée à celle du molybdène et donc du cuivre. L'augmentation attendue de la demande en cuivre pour les besoins de la transition énergétique devrait ainsi impacter les productions mondiales de ces deux métaux. Cependant, la tendance à l’abaissement de la teneur en rhénium des superalliages ainsi que l’importance croissante des filières de recyclage du rhénium pourraient créer un contexte défavorable à la croissance de la production primaire. L’un des seuls projets d’exploration avancée est le projet Merlin dans le Nord-Ouest du Queensland (Australie), développé par Chinova Resources. Le potentiel serait une production de 7 300 kg/an Re et 5 100 t/an Mo. Le projet semble néanmoins à l’arrêt depuis 2014.

Substituabilité

Possible dans plusieurs applications, dans le but de réduction de coûts, mais sans éliminer totalement les risques de volatilité des prix :

  • Suite à un envol du prix du rhénium en 2008, passé de 1 400 US$/kg en 2005 à 11 400 US$/kg en octobre 2008, et de ses aléas de disponibilité, nombre de fabricants de réacteurs et turbines et d'utilisateurs ont migré vers des superalliages sans rhénium (Safran) ou avec moins de rhénium (General Electric, avec alliages à 1,5% à 3% Re au lieu de 6% auparavant). Cependant, le rhénium est alors remplacé par des métaux tels que le ruthénium, le tungstène, le tantale ou le molybdène, qui ne sont pas exempts de difficultés d’approvisionnement ou sujets à des prix volatiles, bien que généralement moins chers que le rhénium. De plus, le rhénium est difficilement substituable sans diminuer la performance des superalliages destinés à des turbines opérant à des températures très importantes de l’ordre de 1 600° C, par exemple dans l’aviation militaire.
  • Dans certains catalyseurs, le rhénium peut être remplacé par d'autres métaux (Ir, Sn, Ga, Ge, In, Se, W, V etc.). Cependant, les catalyseurs pour la pétrochimie ne contenant que du platine sont moins efficaces, car le rhénium augmente la plage de température d’utilisation. L’ajout de rhénium permet également de recycler plus facilement les catalyseurs, ce qui apporte finalement un gain de coût sur plusieurs cycles de raffinage.
  • Enfin, dans quelques autres applications spécifiques, il existe des alternatives au rhénium : Co/W dans les tubes à rayon X, Rh/Ir pour les couples thermoélectriques, W/Pt-Ru dans les contacteurs électriques, Ta/W dans les émetteurs d’électrons.

Recyclage

Taux de recyclage

  • Taux de recyclage dans le monde estimé entre 35 % et 40 %, en comprenant le recyclage des catalyseurs.
  • Les catalyseurs associant rhénium et platine sont recyclés et utilisés à nouveau en boucle fermée.
  • Les pièces contenant du rhénium dans des superalliages base nickel sont également recyclées en boucle courte et en fin de vie. Le recyclage des superalliages concerne donc principalement les turbines d’avions ainsi que les pales et vannes de turbines à gaz, ce qui représente entre 15 et 20 tonnes de composés de rhénium par an.
  • Seul le recyclage de superalliages fournit du rhénium métal ou du perrhénate d’ammonium (APR) directement disponibles sur le marché.
  • Le recyclage est principalement effectué par des procédés d’hydrométallurgie, mais cela est aussi réalisable par pyrométallurgie. Roskill estime que la production de rhénium secondaire par hydrométallurgie a diminué de 40 % entre 2014 et 2019, notamment à cause de la baisse des prix du rhénium. Début 2018, Nordmet et KLS en Estonie ont cessé leur la production de rhénium secondaire (environ 3 t/an). En 2020, c’était au tour de l’usine de recyclage d’Umicore (7 t/an).
  • L’Allemagne et les États-Unis sont les principaux producteurs secondaires de rhénium. La production secondaire de rhénium est également réalisée au Canada, en Estonie, en France, au Japon, en Pologne et en Russie. En 2019, la production secondaire est estimée entre 20 et 25 tonnes de rhénium contenu.

Prix

Établissements des prix

  • Pas de cotation publique sur les marchés boursiers. Prix établis par négociations directes de contrats entre producteurs et transformateurs ou utilisateurs. Fourchettes de prix publiées quotidiennement par Argus Media.

 

Variations des prix dans l’UE

  • Prix moyen 2019 : Re métal : 1 269 $/kg – APR (69,2% Re) : 822 $/kg – APR (> 69,4% Re) : 1 241 $/kg
  • Evolution du prix sur un an :  Re métal : - 15% – APR (69,2% Re) : - 15% – APR (> 69,4% Re) : - 10%
  • Evolution du prix depuis 2007: Re métal : - 87% – APR (69,2% Re) : - 90% – APR (> 69,4% Re) : - 86%
  • Ordre de grandeur de la valeur du marché du Re métal 2018 (1 269 US$/kg, prix moyen 2019 × 45 t, évaluation de la production métallurgique en 2018) : 57 M US$.

Restrictions au commerce extérieur, réglementations

Restrictions au commerce international

  • Pas de restrictions de la part des pays producteurs majeurs.

 

Règlementation REACH

  • Le rhénium métal et les différentes formes de perrhénate d’ammonium ont été enregistrés en 2018 auprès de REACH mais ne présentent pas de risques avérés (à la date d’élaboration de la présente fiche).

Production française et ressources

Production minière française

  • Aucun indice géologique porteur de rhénium connu à ce jour. Quelques gîtes contenant du molybdène (et donc éventuellement du rhénium en traces) existent :
    • Beauvain (61) : porphyre à Cu-Mo érodé. Ressource de 42 kt Mo à une teneur de 0,02% Mo ;
    • Breitenbach (67) : petit indice de molybdène de type porphyry ;
    • Château-Lambert (70) : production de 37 t de Mo entre 1942 et 1944 (diorite)

 

Production métallurgique française

  • Production métallurgique 2018 : cf. 8 - La filière industrielle en France.
  • Part de la production métallurgique mondiale 2018 : < 1 %.

La filière industrielle en France

Entreprises françaises impliquées dans la chaîne de valeur du molybdène

  • Métallurgie :
    • Umicore Specialty Powders France : filiale d’Umicore (anciennement Eurotungstène poudre, filiale d’Eramet achetée par Umicore en 2017) située à Grenoble (38). Ce site recycle les superalliages contenant du rhénium pour produire du rhénium sous forme de métal, de poudre ou de perrhénate d'ammonium (APR). La capacité annuelle de production serait inférieure à 100 kg/an.
  • Produits intermédiaires :
    • Axens : situé à Rueil-Malmaison (92), Axens est un acteur important dans le secteur de la catalyse, notamment dans la production de catalyseurs Pt/Re pour le raffinage pétrolier.
    • Quelques entreprises pourraient utiliser des superalliages contenant du rhénium : Alstom Power France, Thales, Safran, Riber SA…
  • Industries aval dépendantes du rhénium métal : aéronautique, défense, spatial, motoristes, industrie pétrochimique, électronique, production d’électricité…

Commerce extérieur, consommation française

Commerce extérieur français

Données comprenant les composés comportant du niobium, rhénium, gallium, indium, vanadium et germanium. Les statistiques sur les composés de rhénium ne sont donc pas précisément indiquées ici. Ce tableau retranscrit une tendance commune aux différents métaux dont le rhénium pour leur export ou import.

 

Consommation française apparente en 2018 (production + importations – exportations)

  • Consommation apparente de 650 t pour les métaux considérés. La France est fortement déficitaire pour ces métaux (dont rhénium) sous forme de poudre ainsi que pour les ouvrages en contenant. Les exports sont au contraire supérieurs aux imports pour les déchets et débris.
  • Le solde exportateur observé présente de fortes fluctuations, 23% en masse entre 2018 et 2019.
  • Chiffres à prendre avec prudence et pouvant n’être que peu significatifs compte tenu de statistiques regroupant plusieurs métaux avec des tonnages très différents, sans isoler les composés de rhénium. Par exemple, les imports issus du Brésil concernent à priori très majoritairement le niobium.

 

Recyclage en France

  • Umicore Specialty Powders France est capable de recycler des superalliages, notamment ceux à base nickel contenant du rhénium. Le rhénium recyclé est ensuite conditionné sous forme de poudre, de métal ou d’APR avant réutilisation.

Evaluation de la criticité

Très fort Fort Moyen Faible Très faible Très faible Faible Moyen Fort Très fort Importance stratégique pour l'industrie française Risques sur les approvisionnements