Une synthèse inédite dresse un panorama des terres rares en Europe et au Groenland à travers les aspects physico-chimiques, minéralogiques, socio-économiques, gîtologiques, géodynamiques et métallogéniques. Cette synthèse prendra part à un ouvrage publié par ISTE Science Publishing Ltd et Wiley sur le thème « Ressources métalliques : cadre géodynamique et exemples remarquables ».
15 février 2021

Introduction

« Dix-sept éléments métalliques ont suscité ces dernières années toutes les attentions des principaux pays industrialisés qui souhaitent désormais s’orienter vers la transformation digitale et la transition énergétique.

« Les terres rares, au départ peu utilisées par l’industrie, sont aujourd’hui des métaux stratégiques, sorte de vitamines pour les technologies numériques et vertes (ex.Bru et al., 2015; Dushyantha et al., 2020 pour une revue; EC, 2019a,b; Blengini et al., 2020).

« Exploitées de façon anecdotique dans les années 1950-1960 au sein de placers à minéraux lourds en Australie, Inde, Afrique du Sud ou au Brésil, leur attrait grandit et les États-Unis deviennent le producteur principal des années 1970 à 1980 avec leur gisement de Mountain Pass.

« C’est ensuite la Chine qui manifestement «n’a pas autant de pétrole que le Moyen-Orient mais qui a des terres rares», comme aimera à le dire en 1992 le Premier Secrétaire du Parti Communiste chinois Deng Xiaoping, de devenir le principal producteur mondial de terres rares à la fin des années 1980. C’est encore le cas aujourd’hui avec une position hégémonique, grâce à l’exploitation de gisements gigantesques tel que Bayan Obo mais surtout au savoir-faire concernant la séparation des terres rares. Tout le monde semble au départ s’accommoder de cette situation, les pays importateurs bénéficiant de prix bas et évitant les impacts environnementaux et sociaux d’une exploitation de ces métaux sur leur territoire. Il aura suffi d’un incident diplomatique autour d’une petite île en mer de Chine orientale pour que tout bascule en septembre 2010. La Chine déclare un embargo des terres rares envers le Japon, gros importateur de terres rares et pays en pointe dans les technologies du numérique. Puis c’est l’abaissement des quotas d’exportation chinois qui met le feu aux poudres en 2011 avec l’augmentation fulgurante du prix des terres rares (jusqu’à 10000% pour le dysprosium).

« Nombreux sont les pays qui prennent déjà conscience de la vulnérabilité de leur chaîne d’approvisionnement, l’Europe en tête (EC, 2011, 2017; Sebastiaan et al., 2017; Lauri et al., 2018; Blengini et al., 2020). Les terres rares sont désormais des matières premières stratégiques et leur criticité pour l’industrie européenne est classée prioritaire.

« L’exploration minière pour les terres rares bénéficie alors pendant quelques années d’investissements afin de trouver des alternatives aux gisements chinois. Outre l’étude de gisements primaires (Goodenough et al., 2016; EURARE, 2017; Tuduri et al., 2020), la voie du recyclage est aussi envisagée (Ahonen et al., 2015; Guyonnet et al., 2015). Il s’avère que l’Europe et le Groenland (territoire constitutif du Danemark) ont un réel potentiel minier en terres rares qui pourrait subvenir aux besoins du Vieux-Continent pour plusieurs décennies voire au-delà. L’Europe est le continent de la découverte des terres rares dès 1787 mais aucune mine n’exploite à ce jour ces métaux, ses importations dépendant à 95% de la Chine (Gislev et Grohol, 2018).

« Le potentiel géologique ne fait cependant pas tout et il faut aussi développer toute une chaîne de valeur depuis l’extraction du minerai, ou plutôt des minerais de terres rares qui nécessitent des techniques de traitement adaptées pour chacun d’entre eux, jusqu’à la transformation en produits de haute valeur ajoutée (Ahonen et al., 2015). C’est bien là que les enjeux commencent car les investissements à envisager sont colossaux. De plus, qu’en est-il de l’acceptabilité environnementale, sociale et sociétale européenne de l’activité minière? Si l’Europe possède un potentiel remarquable en terres rares, est-il possible d’envisager son exploitation ?

« Cette synthèse inédite dresse un panorama des terres rares en Europe à travers les aspects physico-chimiques, minéralogiques, socio-économiques, gîtologiques, géodynamiques et métallogéniques ».