Dans la revue Géosciences n°26 du BRGM, intitulée "Métaux critiques, concilier éthique et souveraineté ?", Milan Grohol, chargé de mission au sein de la DG GROW de la Commission Européenne, s'inquiète de la dépendance de l'UE à l'égard des métaux stratégiques. L’accès aux ressources et leur durabilité sont des facteurs essentiels pour la résilience des chaînes de valeur industrielle de l’UE. Pour sécuriser les ressources, il importe de prendre des mesures visant à diversifier l’approvisionnement à partir de sources primaires et secondaires, à réduire les dépendances et à améliorer l’efficacité et la circularité des ressources.
19 juillet 2022
Géosciences n°26

Géosciences n°26 : Métaux critiques, concilier éthique et souveraineté ?

© BRGM

Il est fondamental pour l’ensemble de l’industrie de l’Union européenne (UE) d’avoir un accès durable et sûr aux matières premières, et c’est une nécessité pour la transformation verte et numérique de son économie. Selon l’OCDE, l’extraction des matières premières a doublé depuis 1990 et la consommation mondiale augmentera de 40% d’ici 2040 et de près de 90% d’ici 2060 par rapport à 2017. Une forte pression sera exercée sur les chaînes d’approvisionnement en matières premières au niveau mondial, mettant à l’épreuve leur résilience, et les écosystèmes industriels de l’UE devront faire face à une concurrence mondiale croissante pour les ressources.

Les métaux et les minéraux sont des produits qui font partie de notre quotidien. Avec la transition de l’industrie européenne vers la neutralité climatique, la dépendance à l’égard des combustibles fossiles disponibles pourrait être progressivement remplacée par une dépendance à l’égard de matières premières non énergétiques. Sur le plan géographique, la production de ces matières premières est souvent plus concentrée que celle du pétrole ou du gaz naturel (à la fois pour l’extraction et la transformation).

L’UE est bien pourvue en granulats et minéraux industriels ainsi qu’en certains métaux de base, tels que le cuivre et le zinc. Elle ne produit que de petites quantités de matières premières critiques, alors que le potentiel est important pour certaines d’entre elles.

Vulnérabilités et dépendances en matière d’approvisionnement

Les matières premières qui sont les plus importantes sur le plan économique et qui présentent un risque élevé de pénurie d’approvisionnement sont appelées « matières premières critiques » par l’Union européenne. Elles sont essentielles au fonctionnement et à l’intégrité d’un grand éventail d’écosystèmes industriels :

  • les aimants permanents à base de terres rares permettent de propulser les voitures électriques et de faire fonctionner les éoliennes ;
  • le magnésium est utilisé dans les alliages d’aluminium légers pour les véhicules et la construction ;
  • le silicium métallique dans les semi-conducteurs ;
  • les platinoïdes dans les piles à hydrogène et les électrolyseurs.

En 2020, l’UE a recensé 30 matières premières critiques. Par exemple, sur la période 2012-2016, la Chine a fourni 98% de l’approvisionnement de l’UE en terres rares et 93% du magnésium, la Turquie 98% de l’approvisionnement en borate, et l’Afrique du Sud 71% du platine et davantage encore de platinoïdes (iridium, rhodium et ruthénium).

L’analyse de l’UE a révélé sa forte dépendance à l’égard des importations de matières premières nécessaires aux produits et technologies clés. Par exemple, l’UE ne fournit que 1% ou moins de certaines matières premières spécifiques pour les batteries lithium-ion, les éoliennes et les moteurs électriques.

La Commission a également analysé la demande future de plusieurs matières premières, qui devrait fortement augmenter dans différents secteurs et technologies, notamment les énergies renouvelables et l’électromobilité, le numérique, la défense et l’aérospatiale.