Depuis 2001, les principaux utilisateurs du titane (Safran, DCNS, EDF, Dassault) et la DGALN réalisent une veille sur le marché du titane avec l’appui d’un consultant.
31 mars 2015

Assise sur des échanges informels trimestriels, cette veille permet d’ajuster les stratégies d’achat et d’anticiper les aléas des approvisionnements, notamment sur les prix.

La 5ème édition de ce travail a été publiée en décembre 2014. Au regard des enjeux liés aux approvisionnements en titane et du contexte actuel de réorganisation de l’offre, le rapport donne une vision globale de l’offre et de la demande.

Le titane est le 9ème élément le plus abondant sur Terre et se classe 4ème dans la liste des métaux après le fer, l’aluminium et le magnésium. Principalement utilisé dans l’industrie du pigment sous la forme d’oxyde (TiO2), le titane est également exploité sous sa forme métallique (Ti) mais la complexité et le coût de sa méthode d’extraction en font un matériau cher et sous-utilisé malgré ses propriétés intrinsèques (faible densité, performances mécaniques élevées, tenue à la corrosion, biocompatibilité, amagnétisme etc.). A titre de comparaison, la production mondiale de titane métal pour 2013 avoisinait les 130.000 tonnes alors que celles du magnésium et de l’aluminium atteignaient respectivement 970.000 tonnes et 50 millions de tonnes. Toute innovation technologique permettant de faire baisser significativement le coût de production de ce matériau peut ainsi avoir un impact considérable sur le développement du marché et donc sur l’équilibre offre-demande. Sur une vingtaine de projets de recherche qui ont été menés dans le monde pour supplanter le procédé Kroll, la technologie de référence, quelques-uns pourraient déboucher sur les pilotes industriels. La veille scientifique sur ce sujet est par conséquent indispensable pour anticiper l’arrivée d’une rupture technologique qui pourrait bouleverser la donne entre l’offre et la demande. Il s’agit également de prendre en compte les conséquences de l’émergence de nouvelles classes de matériaux et de nouvelles technologies de mise en œuvre qui pourraient favoriser l’emploi du titane.

Malgré le frein économique que représente son coût de production élevé, le titane est un matériau indispensable à de nombreuses applications civiles et militaires ce qui souligne le caractère stratégique des décisions d’investissement prises par la majorité des pays industrialisés ou en voie d’industrialisation. Ainsi, la maîtrise de la production de titane est toujours liée à des ambitions de souveraineté et d’indépendance sur des secteurs clefs : aéronautique, défense, énergie etc. Dernière grande puissance à être entrée dans le cercle très fermé des producteurs de titane, la Chine investit massivement dans la filière de production de ce matériau. Son niveau de qualité insuffisant ne permet pas encore à ce pays de concurrencer les producteurs historiques (USA, Japon, pays d’ex-URSS) mais son émergence constitue un fait majeur dont les conséquences sur l’équilibre offre-demande seront très importantes à moyen et long termes.

Autre aspect important de l’offre, les pays détenteurs des ressources minérales prennent progressivement conscience du poids économique et stratégique que représente cette partie amont de la filière industrielle. Les opérations d’intégration verticale, de fusion et d’acquisition engagées dans l’acier et l’aluminium sont des événements précurseurs pour la filière titane ; des opérations similaires se sont multipliées sur ce métal avec les conséquences que cela implique pour la dépendance des industries européennes très faiblement investies dans des sources d’approvisionnement sécurisées.

Du côté de la demande, les applications aéronautiques représentent entre 40% et 50% de la consommation annuelle de titane. Les modifications sur les cadences de production, la mise en route d’un nouveau programme comme le B787 ou l’A350, l’émergence de la concurrence aéronautique chinoise, sont autant d’événements majeurs qui agissent directement sur les volumes de titane consommés par cette industrie. Les exigences en termes de qualité et de disponibilité sont telles qu’il est indispensable de disposer d’une vision claire de l’ensemble de la demande pour bâtir une stratégie d’approvisionnement sécurisante.

Sur les autres segments de marché, le développement de la demande dans les régions Asie et Moyen-Orient stimule la consommation de titane pour toutes les applications industrielles (énergie, chimie, dessalement, off-shore etc.) et pour le marché des biens de consommation. Des projets de très grande ampleur dans le domaine du dessalement ou des énergies nouvelles, comme l’énergie thermique des mers, seront particulièrement étudiés.

En conclusion, la combinaison de ces deux courants contradictoires, l’un stimulant le développement de l’offre (aspects stratégiques) et l’autre soumis aux aléas de la demande (caractère cyclique) donne, in fine, un équilibre de marché instable et peu mature qui remet en cause en permanence les conditions d’approvisionnement (prix, délais, diversité des sources, pénuries, mobilisation des ressources pour les besoins nationaux etc.).

La France et l’Europe ne disposent pas de capacité de production d’éponge de titane et sont, de ce fait, totalement dépendants de l’étranger. Alors que les producteurs historiques américains et russes se partagent essentiellement les productions de qualité aéronautique, les événements récents en Ukraine ont montré l’importance de la dimension géopolitique dans les stratégies d’approvisionnement.

Dans ce contexte, le projet Ecotitanium, révèle tout son intérêt stratégique et montre que l’économie circulaire est un facteur de développement économique en réduisant la pression économique des approvisionnements extérieurs.