Le Centre commun de recherche, laboratoire de recherche de l’Union européenne, a publié en novembre 2019 une étude relative à la sécurité des approvisionnements pour 5 filières stratégiques :

- batteries lithium-ion,
- piles à combustibles et technologies hydrogène,
- robotique,
- drones,
- impression 3D.
11 décembre 2019

L’étude constate que « la dépendance de l’Europe aux approvisionnements en matières premières nécessaires aux 5 technologies analysées est extrêmement élevée » et propose des pistes pour remédier à cette situation.

Auteurs : BLAGOEVA Darina, PAVEL Claudiu, WITTMER Dominic, HUISMAN Jacob, PASIMENI Francesco

Principaux constats

« L’étude identifie les goulots d’étranglement et les risques d’approvisionnement en matières premières et en matériaux transformés nécessaires au développement de savoir-faire clefs de l’industrie de la défense européenne. La dépendance de l’Europe aux approvisionnements en matières premières nécessaires aux 5 technologies analysées est extrêmement élevée. L’Europe produit en moyenne environ 3% de l’ensemble des matières premières nécessaires aux technologies des batteries lithium ion, des piles à combustibles, de la robotique, des drones et de l’impression 3D. La Chine domine la production mondiale, fournissant environ un tiers des matières premières. D’autres fournisseurs clefs sont l’Afrique du Sud (7%) et la Russie (4%). Au regard de l’approvisionnement en matières premières critiques (MPC) nécessaire à ces 5 technologies, l’Europe en fournit seulement 1%. Le principal fournisseur est la Chine, avec une part d’environ 40%, suivi par l’Afrique du Sud (9%) et la Russie (6%).

À l’exception de la filière des batteries lithium-ion, l’Europe est en général un important fournisseur en matières transformées pour ces technologies, apportant environ un tiers des matériaux nécessaires. D’autres fournisseurs clefs sont les États-Unis (20%), la Chine (19%) et le Japon (8%). Le Canada, l’Inde et la Corée du Sud sont également des fournisseurs clefs en matières transformées pour l’impression 3D, la robotique et les batteries lithium-ion.

Au regard de l’approvisionnement en composants, à l’exception de la technologie de la pile à combustible, l’Europe a une production domestique de composants relativement peu élevée. En moyenne, l’Europe produit environ 12% des composants nécessaires aux batteries lithium-ion, aux piles à combustibles, à la robotique et aux drones. La plupart des composants sont fournis par l’Asie (46%) et l’Amérique du Nord (31%).

L’Europe est très faible au regard de ses approvisionnements en batteries lithium-ion, accumulateurs lithium-ion polymère et piles à combustibles, principalement d’origine asiatique (Chine, Japon, et Corée du Sud) et nord-américaine (États-Unis et Canada).

L’Europe est un acteur majeur dans la production de robots. Les fabricants japonais dominent la robotique industrielle, tandis que les fabricants américains dominent la robotique non-industrielle, la robotique à des fins militaires, les véhicules autonomes et l’intelligence artificielle. L’Europe est leader dans la production d’exosquelettes à des fins médicales et industrielles, également produits au Japon et aux États-Unis. Les fabricants américains sont les principaux acteurs dans le secteur des exosquelettes militaires.

L’Europe dispose de savoir-faire en matière de drones, mais ne permettant toutefois pas de satisfaire ses besoins. Les États-Unis et la Chine dominent l’assemblage et la production de drones civils aériens. Les États-Unis sont les premiers producteurs drones terrestres et marins. L’Europe est le second principal producteur de drones terrestres et marins.

Concernant les imprimantes 3D à des fins industrielles, les États-Unis dominent les technologies utilisant des polymères, l’Europe étant très présente dans le secteur de l’imprimante métal. Toutefois, plus d’investissement en R&D est nécessaire pour suivre le rythme de l’innovation chinoise et américaine. »

Conclusions clefs

« Il est important pour l’Europe de sécuriser l’approvisionnement sur l’ensemble des chaines de valeurs pour d’importantes technologies à double-usage émergentes, telles que les batteries lithium-ion, les piles à combustibles, la robotique et les exosquelettes, les drones ou l’impression 3D. L’analyse a montré que le maillon le plus faible de la chaine de valeur pour les cinq technologies étudiées est l’approvisionnement en matières premières.

L’extrême dépendance de l’Europe pour les approvisionnements en matières premières nécessaires à ces technologies doit être réduite par diverses mesures. La Chine dispose d’une position dominante dans l’approvisionnement en matières premières, y compris pour les matières premières critiques nécessaires à ces 5 technologies. Les deux autres fournisseurs majeurs sont l’Afrique du Sud et la Russie. Cependant, une large part des matériaux provient de petits fournisseurs, ce qui donne de bonnes perspectives pour la diversification des approvisionnements. C’est également le cas pour l’approvisionnement en matières premières et composants, requis par ces technologies à double-usage, que l’Europe ne produit pas ou peu. En complément, le développement de stocks stratégiques pourrait être une autre manière d’assurer l’accès à des matières premières ou transformées et de composants en cas de crise. Une analyse exhaustive est nécessaire pour évaluer le potentiel et la faisabilité de ces stocks pour chacune des technologies en question. Assurer un accès durable à la bonne quantité et qualité de matières premières est également un élément clef pour un futur développement durable de l’industrie de l’UE.

Un programme sur-mesure de subventions par appel à projet compétitif pourrait être initié afin d’encourager les PME domestiques à investir dans de la R&D à haut potentiel de commercialisation (niveau de maturité technologique élevé) pour la défense européenne. Le fond européen de la défense pourrait financer des coopérations transnationales pour la recherche militaire afin de renforcer son attractivité et encourager les PME à s’y investir. De tel programmes, principalement orientés vers la défense, permettraient de développer de nouvelles capacités industrielles, avec un potentiel civil complémentaire.

Le rapport appelle à une politique de soutien destinée à l’accroissement des opportunités industrielles en Europe par la création d’un environnement d’investissement attractif pour les entreprises.

D’autres actions clefs identifiées par le rapport proposent de stimuler les collaborations internationales (par exemple pour les piles à combustible), soutenir les activités de normalisation (par exemple pour l’impression 3D, les piles à combustible, la robotique et les drones), et de promouvoir la sécurité cyber et physique des systèmes robotisés (y compris les drones).

Les sujets de recherche transversaux identifiés par l’étude sont la conservation des savoir-faire et de la main d’œuvre qualifiée en Europe, y compris dans le domaine du développement logiciel – élément clef pour le développement de systèmes robotisés et autonomes, à la fois à destination des forces militaires en Europe et à des fins civiles. Les capteurs sont un autre élément transversal à l’importance croissante ; leur développement et le traitement de leurs données doivent recevoir une forte attention.

Enfin, il est recommandé de renforcer la sensibilisation et les réflexions stratégiques permettant de déterminer comment la place et la compétitivité future de ces technologies émergentes peuvent être organisés, en particulier sur les questions de disponibilité des matériaux, de durabilité, de la protection de la propriété intellectuelle, du développement logiciel et de la cyber-sécurité pour les technologies militaires et civiles clefs. »